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Pardon et réconciliation nationale ou impunité ?


Au nom de la réconciliation nationale, seuls les plus responsables seront jugés par les CETC. La réconciliation implique-t-elle dès lors l’impunité ? Au Cambodge, c’est en son nom que beaucoup d’anciens Khmers Rouges ont été amnistiés.
Selon la justice transitionnelle, le mot réconciliation doit être précisé, et il nécessite la réhabilitation de la confiance dans les institutions.
Selon Ong Thong Hoeung, rescapé du régime et témoin à l’ECCC, il n’est pas possible de parler de réelle réconciliation nationale tant que les responsables n’auront pas reconnu leurs crimes. Sans ça, il serait alors encore question d’amnistie, ce qui donnerait un mauvais signal aux bourreaux. Bourreaux qui pour lui sont impardonnables.

 

Réconciliation, un terme flou au lourd passé au Cambodge

 

Le mot « réconciliation » a une connotation négative pour beaucoup de cambodgiens.  En effet, c’est en son nom que d’anciens Khmers Rouges (de bas ou milieu gradés) ont été réintégrés à des positions de pouvoir. Il peut aussi être vu comme un retrait du droit de poursuite envers son bourreau.
Selon le Centre international de Justice Transitionnelle (ICJT), il est important de préciser la notion de « Réconciliation ». Elle ne peut être utilisée comme un substitut de justice, ni pour laver indûment l’État de tout soupçon. En outre, elle ne nécessite pas le pardon, bien qu’elle puisse y mener.
Selon le CIJT, pour qu’il y ait réconciliation, il faut qu’il y ait réhabilitation de la confiance civique, c'est-à-dire la confiance entre les citoyens mais aussi envers les institutions. Mais cela ne peut être obtenu qu’en donnant des raisons aux citoyens de faire confiance.
Dans le cas du Cambodge, où la corruption fait figure de loi et les anciens khmers rouges toujours au pouvoir, il est assez difficile de parler de confiance envers les institutions.
Selon Ong Thong Hoeung, perdure depuis des siècles, une tradition de crimes impunis. Les dirigeants ont tous les droits et le peuple n’a rien. « Il n’y a pas d’état de droit au Cambodge. Le petit peuple a l’habitude de voir ceux qui ont les moyens gagner, et ceux qui n’ont pas d’argent perdre. Les gens sont donc très sceptiques par rapport au procès des dirigeants khmers rouges. »

Faut-il pardonner au nom de la réconciliation nationale ?


Le mot « réconciliation » est sur toutes les lèvres au Cambodge. Leitmotiv du gouvernement, il est aussi repris par les ONG. Mais est-elle vraiment possible aujourd’hui ? Et implique-t-elle le pardon ? « On peut faire une réconciliation nationale mais seulement si les responsables demandent pardon ! », s’insurge Ong Thong Hoeung.
Selon lui, avant de pouvoir parler de réconciliation, la première étape est que les responsables reconnaissent leurs crimes, ce qui n’est toujours pas le cas aujourd’hui. « A la différence de l’Afrique du Sud, où il y a eu un pardon collectif, aucun des responsables n’a dit « je regrette », demandé pardon ou même reconnu le crime ! Si on ne fait rien, les gens ne sauront pas qui sont les victimes et qui sont les responsables ! C’est aux responsables de demander pardon. Pas aux victimes innocentes d’oublier ! »
La plupart des responsables se disent eux-mêmes victimes du régime ou rejettent la responsabilité sur Pol Pot, dont « ils n’ont fait que suivre les ordres, en bon patriote ».   « On n’a que des victimes, mais on a deux millions de morts ! » ironise Hoeung.
Hoeung dit ne pas vouloir de vengeance. Mais pardonner comme ça poserait un problème de responsabilité.
Hors, selon lui, ce procès est surtout symbolique. Son rôle est de rompre avec la tradition d’impunité et de donner un signal aux bourreaux, pour qu’ils sachent que même pour les hauts-placés, il y a toujours une justice.
Même s’il ne préconise pas de juger les « petits responsables », Hoeung insiste sur l’importance de juger les grands criminels, ce qui fait partie du mandat du tribunal, mais est loin d’être mis en application. Il établit une délimitation très claire entre les différents responsables. On peut pardonner à ceux qui ont tourné leur veste, ont collaboré…  Mais on ne peut pas pardonner à ceux qui ont « brûlé la ligne rouge », ceux qui ont « osé tuer ». Sinon il n’y a pas de responsabilité. Car même dans les conditions extrêmes qu’il a vécu, où on devient comme il le décrit « des bêtes », « il reste toujours quelque part des valeurs humaines. »
 

DELBROUCK Barbara