Imprimer

La mémoire dans les murs


Le temps efface les témoins directs de l’histoire, le Cambodge ne fera pas exception à la règle. La génération qui a vécu sous le régime khmer rouge vieillit. A terme, les survivants seront amenés à disparaître et avec eux les traces du génocide.
Trente ans après la chute du régime, il y a urgence à préserver les preuves des atrocités commises, afin de les transmettre aux générations futures. Cela inclut notamment la conservation des lieux de mémoire, tels que le centre de sécurité S-21 et les nombreux charniers qui jalonnent le pays. La transmission de l’histoire nationale, spécialement dans ses moments les plus sombres, est essentielle pour l’avenir du pays.
Comme le dit l’adage, «Ceux qui ne peuvent se rappeler le passé sont condamnés à le répéter…».


Conserver les lieux en état


L’université de Phnom Penh « Tuol Sleng » est devenue pendant le régime le centre de sécurité S-21. Un lieu sinistre où des milliers de victimes furent torturées avant d’être exécutés par leurs tortionnaires dans les « Killing Fields ».
Après la chute du régime, S-21 fut gardé en état et devint le musée du génocide cambodgien.
Les nombreux documents abandonnés sur place par les gardiens khmers rouges (rapports des arrestations, aveux forcés, confessions des victimes, photographies,…) serviront alors de preuves contre ces mêmes bourreaux. De même, le charnier de Choeung Ek, situé à 15 km de la capitale, deviendra une preuve irréfutable de la barbarie alors à l’œuvre.
Ces lieux maudits seront à la base du travail de recherche qui aboutira des années plus tard au procès des leaders khmers rouges.

L’histoire gravée dans la pierre


Aujourd’hui, des milliers de visiteurs défilent chaque année dans ces lieux d’horreurs devenus lieux de mémoire. Des touristes de passage au Cambodge qui désirent voir autre chose que les traditionnels temples et marchés locaux. Mais aussi plus important, de nombreux écoliers locaux qui peuvent ainsi mieux comprendre l’époque.
De même, des visites sont organisées par les CETC et différentes ONG, dans le cadre de leur travail d’information au procès des leaders khmers rouges.
Sur les sites, des mémoriaux ont été construits. Le plus souvent il s’agit de stupas (monuments en forme de tour), remplis d’ossements et de crânes retrouvés sur place.
Selon le centre de documentation pour le Cambodge (DC-CAM), plus de 80 monuments commémoratifs sont aujourd’hui érigés dans le pays. C’est un travail de mémoire conséquent mais cela reste relativement peu lorsqu’on compare ces chiffres avec les 380 « sites d’exécution » et les presque 20.000 fosses communes recensés jusqu’à présent.
Néanmoins, le traumatisme reste relativement récent. Le travail de mémoire peut prendre des générations. Pour comparaison, le mémorial de la Shoah ne fut érigé à Berlin que 60 ans après les faits.

Un moyen parmi d’autres


A côté du travail de conservation des lieux de mémoire et de la construction de monuments commémoratifs, il y a bien sûr d’autres moyens de transmission de l’histoire, tels que des expositions, la création de documentaires éducatifs ou encore la tenue de débats publics dans les villages.
L’enjeu est de taille : démonter le tabou qui entoure la période du génocide et le faire sortir de l’oubli dans lequel il est plongé depuis 30 ans.
La réforme de l’éducation est un autre chantier essentiel. A l’heure actuelle, l’enseignement du génocide est pratiquement absent des manuels scolaires.

Lutter contre une relecture de l’histoire


De nombreux intellectuels dénoncent une certaine « amnésie collective » de la population cambodgienne en ce qui concerne le régime khmer rouge.
Les hypothèses visant à expliquer cet état de fait méritent à elles seules un large débat.
Que ce soit par fierté, par fatalisme, du fait de la prégnance du bouddhisme ou par manque de volonté politique, une grande partie des cambodgiens ne souhaitent pas ressasser ce passé particulièrement douloureux.
Une seule chose est sûre, l’éducation concernant le génocide que reçoit la jeune génération
est pour le moins sommaire. C’est un risque réel pour le futur du pays.
En effet, la transmission de la mémoire est essentielle si l’on veut éviter à l’avenir une relecture de l’histoire.
Qui sait si un jour des individus ne déformeront pas les faits, édulcorant les atrocités commises par le régime khmer rouge. La conservation des lieux de mémoire et l’éducation de la nouvelle génération sont primordiales. Graver l’histoire dans la pierre est la meilleure arme contre un éventuel révisionnisme.

 

VOKAR Benjamin

 

Visiter nos galeries photos:

Centre de torture S-21
Killing Fields de Choeung Ek
Mémorial Vat Thmey

Memorial Vat ThmeyCentre de torture S-21