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Mines anti-personnelles :

L’héritage empoisonné du Cambodge


Le Cambodge figure au palmarès des pays qui possèdent le plus d’engins explosifs sur leur territoire.
Victime de bombardements intensifs durant la guerre du Vietnam, miné ensuite par des guerres civiles intestines pendant des décennies, le sol cambodgien regorge de ces souvenirs mortels qui tuent encore aujourd’hui.
Selon les estimations, il resterait entre six et sept millions d’engins non-explosés à travers le pays. 
Victime de son histoire troublée, la population cambodgienne paie encore aujourd’hui le prix de la folie des hommes.

Un fléau mondial


Les engins non-explosés sont un fléau mondial. Moyen-Orient, Asie du sud-est, Afrique, Amérique du sud, nombreuses sont les régions « polluées » par ces engins mortels. Même si en Europe, il n’est pas rare de découvrir de vieilles munitions, héritage de deux guerres mondiales, la situation est sans commune mesure avec celle que vivent les populations des « pays à hauts risques ». Pour ces pays, dont le Cambodge fait partie, le danger est permanent.
Certes, la situation s’améliore. Un travail énorme de déminage est effectué. Plus de 500.000 engins explosifs furent détruits cette année dans le monde. Alors qu’il y a 10 ans, une personne était blessée ou mutilée toutes les 20 minutes à la suite d’un « accident par mine », la fréquence estimée des accidents est désormais d’une victime toutes les 90 minutes.
La situation s’améliore mais le bilan reste lourd.  Selon le rapport 2008 de l’Observatoire des mines, plus de 5.000 victimes furent encore à déplorer cette année.

Le cas du Cambodge


Le Cambodge paie aujourd’hui l’addition d’un demi-siècle de conflits. Entre six et sept millions d’engins mortels sommeillent encore sur son territoire, essentiellement dans les zones frontalières. Retour sur une histoire troublée.
En pleine guerre du Vietnam, le Cambodge est utilisé comme base arrière pour les forces Viêt-Congs. Il sera dès lors victime d’une « guerre délocalisée ». L’armée américaine lance une opération d’envergure sur le sol cambodgien, afin de déloger la guérilla ennemie. L’opération « Menu » consistera en un ballet incessant de raids aériens, visant à détruire toute présence au sol. Durant quatre ans, plus de 3000 attaques seront lancées, soit plus de 550.000 tonnes de bombes larguées sur le pays.
Un pilonnage intensif mais officieux. Le congrès US n’ayant jamais donné son aval, le bombardement du Cambodge, (de même que son voisin laotien) est une guerre secrète.
Les bombes et les victimes sont elles, pourtant, bien réelles.
 

Défilé de coupables


Les premiers fautifs sont incontestablement les États-Unis. Malheureusement pour le Cambodge, ils ne seront pas les seuls.
En 1970, le général Lon Nol profite d’un voyage du roi pour prendre le pouvoir. Son coup d’État réussi, il ordonne de miner massivement la frontière avec le Vietnam.
Son gouvernement est soutenu par les Américains (guerre froide oblige), il faut donc impérativement contenir les incursions des troupes communistes.
S’ensuivra pour le Cambodge plusieurs années de guerre civile, entre d’une part l’armée de Lon Nol (soutenue par les États-Unis) et d’autre part la guérilla khmère rouge (soutenue par le Vietnam). Bilan : plus d’un demi-million de victimes cambodgiennes ainsi qu’un cimetière d’engins non-explosés.

Paranoïa du régime


La prise du pouvoir par les Khmers Rouges en 1975 n’offre qu’une trêve illusoire.
La guerre civile a cessé mais la pose de mines reprend de plus belle.
Le régime baigne dans une paranoïa maladive. Le Vietnam, ancien allié, devient ennemi.
La frontière est à nouveau minée. Cinq ans plus tard, l’armée vietnamienne envahit le Cambodge et renverse le régime de Pol Pot. Phnom Penh est libérée mais la guérilla khmère rouge subsiste dans la jungle qui borde la Thaïlande. Et c’est reparti pour un tour.
La guérilla pose des mines « pour se défendre », l’armée vietnamienne fait de même.
La mine est « l’arme du pauvre ». Bon marché (parfois moins de 3$), faciles à installer, efficaces, les mines anti-personnelles se sont vite imposées comme armes de choix par les deux parties.  
A un rythme effréné, toute la frontière avec la Thaïlande est elle aussi minée. C’est le projet du « mur de bambous ».
Les provinces frontalières, composées de jungle dense, sont parsemées de mines.
En quelques années, cette zone deviendra l’une des régions les plus dangereuses au monde.

Un pays à reconstruire


Il faudra attendre 1998 et la reddition des derniers rebelles khmers rouges, avant d’entamer la véritable reconstruction de ce pminesays ravagé. L’économie est sinistrée par des décennies de conflits. Le pays survit grâce aux aides internationales. Des programmes de déminage commencent à voir le jour mais ils nécessitent énormément de temps et d’investissement financier. De plus le « génie machiavélique » des producteurs de mines les a rendues insensibles à l’épreuve du temps. Arme à retardement, une mine peut encore tuer 150 ans après sa pose.
Mines anti-personnelles, bombes à sous-munition, obus non-explosés, les termes varient mais la menace reste la même.
Le fait que les campagnes soient minées freine considérablement la relance économique du pays. En effet, arme « aveugle » par excellence, les mines frappent indifféremment soldats, civils et bétail. Impossible de cultiver dans ces conditions.
De même, le dénuement économique pousse des villageois à récupérer le métal des engins non-explosés afin de le revendre.
Aujourd’hui le Cambodge semble s’engager sur une voie pacifique. Le ratio minage/déminage s’est enfin inversé. Reste à espérer que les tensions frontalières avec la Thaïlande ne viendront pas, à nouveau, renverser le cours de choses.

VOKAR Benjamin

 

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