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Pol Pot, le frère numéro 1


La vie toute entière de Pol Pot est entourée de mystère, spécialement en ce qui concerne sa mort. Homme public assez discret, assorti d’une sombre tendance paranoïaque, le leader du régime khmer rouge s’est créé sa propre biographie, à l’instar d’autres dictateurs.
Une chose est sûre cependant, il reste incontournable lorsque l’on aborde la question du « génocide » cambodgien.
Plusieurs historiens et biographes ont tenté d’éclaircir la nébuleuse entourant l’homme, qui plongea le Cambodge dans le chaos.

 

Jeunesse


Saloth Sar, plus connu sous le nom de Pol Pot, serait né le 19 mai 1925 à Prek Sbauv, dans la province cambodgienne de Kampong Thom.
D’autres sources avancent 1928. Premier point de divergence, qui ne prête pas trop à conséquence.
Il serait issu d’une famille « sino-khmère » aisée. Son père, gros propriétaire terrien, aurait eu de bonnes connections avec les autorités royales de la capitale.
Lorsqu’il sera au pouvoir, il prendra soin d’effacer cette page de son histoire personnelle.
En affirmant qu’il est issu d’une famille paysanne, typiquement khmère, sa version correspond ainsi bien mieux à l’idéologie du régime en place.
Il passe donc sa jeunesse à la campagne, avant de rejoindre Phnom Penh, où il suivra l’enseignement d'une école catholique.

Influence politique


La suite de son parcours est mieux connue. Il obtient une bourse et part suivre des études à l'École française de radio-électricité à Paris, de 1949 à 1953.
Dès son arrivée en France, il rejoint les cercles du Parti communiste français, auprès desquels il se familiarise avec l’idéologie marxiste.
C’est sur les bancs de la Sorbonne qu’il rencontre Yeng Sary et Khieu Samphan, avec qui il prendra la direction du mouvement khmer rouge.
C’est également à cette époque qu’il fait la connaissance de Jaques Vergès, l’avocat français controversé, actuel défenseur des idéologues khmers rouges dans le procès qu’il leur est intenté.

Une étoile montante


Saloth Sar quittera la France sans diplôme et deviendra professeur de français peu après son retour au Cambodge, dans deux établissements privés de Phnom Penh.
Lorsque les Français se retirent d'Indochine en 1954, le roi Norodom Sihanouk est nommé à la tête de l'État et la monarchie est restaurée au Cambodge.
Comme plusieurs de ses contemporains, Saloth Sar s'oppose au nouveau pouvoir et entre dans un parti communiste de faible envergure, le « Parti révolutionnaire du peuple khmer ».
Ce parti deviendra par la suite le « Parti communiste du Kampuchéa », l'organe politique des Khmers rouges.
En 1962, il est élu secrétaire du comité central du parti. Les autorités de la Chine communiste, qui commencent à s'intéresser à cette étoile montante du mouvement communiste cambodgien lui attribuent le surnom de « Political Potential ». Un surnom qu’il gardera jusqu’à sa mort, un autre moyen d’effacer ses traces.

Epoque troublée au Cambodge


En 1963, pour fuir la police de plus en plus suspicieuse quant à ses activités politiques, il prend le maquis avec ses compagnons et entre dans la clandestinité.
Il s'efforce alors de former les premiers combattants khmers rouges avec le soutien de la Chine. À cette époque, Mao Zedong voit en lui un moyen aisé de favoriser l'expansion du communisme anti-soviétique et pro-chinois dans la région.

À la fin des années 1960, la guerre que les États-Unis livrent au Vietnam s’étend au Cambodge. Les troupes américaines tentent de déloger par des bombardements massifs les forces Viet-Minh qui s’y réfugient.

Le 18 mars 1970, avec la bénédiction de la CIA, le maréchal Lon Nol orchestre un coup d'État et renverse la monarchie cambodgienne. Une guerre civile éclate.
Norodom Sihanouk et ses partisans se joignent aux Khmers Rouges contre le nouveau régime sous la bannière commune du « Gouvernement Royal d'Union Nationale du Cambodge » (GRUNC).
Malgré l'appui des États-Unis et du Sud-Vietnam, le régime brutal et corrompu de Lon Nol s'avère incompétent dans la lutte contre le communisme.
En 1973, la situation militaire se détériore et l'armée n'est en mesure que de défendre la capitale, Phnom Penh, surpeuplée de réfugiés fuyant les bombardements américains.

Prise du pouvoir


Les forces communistes menées par Pol Pot triomphent de l’armée de Lon Nol le 17 avril 1975, date à laquelle la capitale tombe entre les mains des Khmers Rouges, considérés au départ comme une force libératrice par la population. Pol Pot se fait alors connaître comme le « frère numéro un ».
Il est le membre le plus important de l'Angkar, en khmer l’« Organisation révolutionnaire », l'organe suprême du gouvernement des Khmers rouges.

1975 devient l’Année zéro du régime Khmer Rouge. Dès leur prise de pouvoir, les Khmers Rouges soumettent le pays à la dictature et mettent en place un régime totalitaire dont l’une des premières actions est l’élimination de tous les individus liés au gouvernement précédent. Le nouveau gouvernement contraint également les habitants des villes à aller travailler à la campagne pour nourrir la population. Le régime s’en prend particulièrement à la population urbaine et aux intellectuels.

En 1976, le Cambodge devient le Kampuchéa Démocratique et Pol Pot est nommé premier ministre. L’année suivante, alors que Pol Pot a déjà échappé à trois tentatives d’assassinat, il multiplie les purges dans son parti et parsème la frontière de mines anti-personnelles.
Il définit également trois catégories d’individus à réprimer:
- l’ensemble des Vietnamiens présents au Cambodge
- les khmers parlant vietnamien
- les khmers entretenant des relations ou ayant des intérêts avec les Vietnamiens.
Sont également visés les individus ayant reçu une éducation ou manifestant une appartenance religieuse quelconque.

Au total, entre 1,7 et 2 millions de personnes auraient trouvé la mort sous le régime par exécution, torture, suite à une surcharge de travail forcé, par le fait de maladies non traitées, ou bien encore de famine.

Chute du régime


En 1979, à la chute du régime, Pol Pot prend à nouveau le maquis. Il est inculpé de génocide par contumace par un « Tribunal Révolutionnaire du Peuple ».
Selon certaines rumeurs, il aurait coulé des jours paisibles bien loin de la jungle cambodgienne, dans une résidence luxueuse en Thaïlande. Il se serait, par ailleurs, livré au trafic illégal de bois et de pierres précieuses pendant cette période.
Ici encore, les rumeurs ne tarissent pas.

En 1985 Pol Pot démissionne du poste de commandant en chef des Khmers Rouges mais conserve un rôle de supervision. En 1993, alors que le roi Sihanouk est à nouveau à la tête du gouvernement, Pol Pot s’oppose au gouvernement. Trois ans plus tard, le reste du groupe des KR se divise et une partie rejoint le gouvernement.
 
En juin 1997, Pol Pot ordonne l’assassinat de Song Sen, son ami et ancien ministre de la défense, qu’il soupçonne de collaborer avec le gouvernement. La femme et les enfants de Song Sen sont également exécutés. Pol Pot est alors arrêté pour trahison et jugé par un tribunal du peuple qui le condamne, le 25 juillet 1997, à une assignation à résidence surveillée à perpétuité. De façon à le briser politiquement.

Alors que ses derniers fidèles désertent et que les États-Unis travaillent à la mise en place d'un plan pour le capturer et  le traduire devant la justice internationale, Pol Pot meurt. Le 15 avril 1998, à l’âge de 73 ans, il succombe « officiellement d'une crise cardiaque ».
Cela peu après avoir appris que Ta Mok, ancien «Frère numéro cinq» du régime khmer rouge qui avait rejoint le gouvernement, s’apprêtait à le livrer au gouvernement cambodgien.


Mort troublante


Une zone d’ombre entoure la mort de Pol Pot. Certains journalistes ont prétendu qu’il s’était suicidé, d’autres qu’il avait été empoisonné par son médecin. La fin de son existence s'est déroulée dans des conditions particulièrement mystérieuses, qui laissent encore planer un doute quant à la véracité de sa mort.
Sceptique vis-à-vis de l’identité du corps, le gouvernement cambodgien, appuyé par la communauté internationale, a demandé qu’une autopsie indépendante soit réalisée.
Mais le corps a été incinéré très rapidement, et la preuve de sa mort n'a jamais véritablement été apportée. A l’instar d’Hitler, de nombreuses légendes ont commencé à se propager.
Caché en Thaïlande avec la bénédiction du gouvernement, retourné dans le maquis avec une poignée de fidèles,… quand il s’agit de personnages aussi troublants, la fiction prend vite le pas sur la réalité. Peu importe la date et l’endroit où Pol Pot est décédé, une seule chose est sûre, il n’a pas payé pour ses crimes.
Entre 1,7 et 2 millions de victimes, soit près d’un quart de la population de l’époque.
Reste à la justice, cambodgienne et internationale, de se rattraper et à juger, tant qu’ils sont encore en vie, les autres responsables du « génocide cambodgien ».



* Sources Bibliographie  

Organisation Trial Watch http://www.trial-ch.org/fr/trial-watch/profil/db/facts/saloth_sar_659.html
Tribune du tribunal cambodgien http://www.cambodiatribunal.org/index.php
SHORT, PHILIP, Anatomie d’un cauchemar, Ed. Denoël, 2007.


 

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